Colloque international France-Amérique latine
28 & 29 octobre 2021 (reporté en 2022)
Organisé par Carlos Alfredo Pazos (BUAP), Luis Meneses-Lerín (Univ. d'Artois, GRAMMATICA) & Salah Mejri (U. Sorbonne Paris Cité Paris 13, France)
Langue et culture
La thématique semble trop générale et un peu désuète en même temps, tant on a toujours associé les deux termes de l’intitulé. Trop général, parce que le titre évoque deux domaines très contigus, se confondant par moment au point qu’on n’arrive pas à distinguer l’un de l’autre. Un peu désuète, parce que cela renvoie souvent aux travaux relatifs à la corrélation faite entre langue et vision du monde, travaux rattachés à l’hypothèse Sapir-Whorf. C’est justement ce caractère général portant sur des questionnements d’actualité sur la genèse du langage et des langues qui renouvelle le débat à la faveur des développements relatifs aux thèses bio-linguistiques, qui expliquent les compétences linguistiques de l’Homo sapiens par des mutations génétiques, et les thèses fonctionnalistes qui défendent le point de vue d’une évolution ayant conduit l’Homo Sapiens vers la création de systèmes symboliques dont la langue constitue l’une des manifestations. Ce débat est d’autant plus fécond qu’il ouvre le champ des investigations devant la pluridisciplinarité, une pluridisciplinarité qui n’est pas vraiment nouvelle. Rappelons juste pour mémoire les classiques dans ce domaine comme Claude Lévi-Strauss (La pensée sauvage, Plon, 1962) et André Leroi-Gourhan (Le geste et la parole, Albin Michel, 1964). On y apprend comment l’humanité a fait petit à petit son chemin en faisant preuve d’une très grande inventivité lui permettant de construire des systèmes symboliques autonomes partagés par les membres des communautés, grâce au mimétisme et à l’apprentissage. Leroi-Gourhan consacre des pages merveilleuses aux symboles du langage (pp.261-300), qui parlent entre autres des traces laissées par l’émergence des écritures, tout en soulignant la proximité entre les signes linguistiques et les gestes. On ne peut pas ne pas évoquer l’ouvrage de Marcel Cohen qui retrace l’histoire de l’écriture (La grande invention de l’écriture et son évolution, 1958), ouvrage dans lequel il retrace les différentes étapes de l’émergence des systèmes d’écriture dans le monde.
Si de tels ouvrages ont focalisé sur les vestiges iconiques, c’est parce que les vestiges de la parole ne peuvent être étudiés que d’une manière indirecte, c’est-à-dire à travers d’autres vestiges qui témoignent de compétences de catégorisation et de communication élaborées entre les membres des communautés étudiées. C’est là qu’interviennent d’autres disciplines comme l’ethnologie, l’éthologie, la sémiotique, les sciences cognitives, la génétique, la psychologie, la simulation informatique, l’apprentissage des langues, et évidemment la linguistique. Nous renvoyons à l’ouvrage de Jacques François pour une synthèse sur l’état actuel du débat entre les différentes écoles et disciplines autour de l’émergence des constructions symboliques que sont les langues (La genèse du langage et des langues, 2017), à celui de Jean Adolphe Rondal pour ce qui est de l’origine du langage humain (Le langage : de l’animal aux origines du langage humain, Mardaga, 2000).
La recherche linguistique, se nourrissant de ces débats et grâce à son ouverture sur d’autres disciplines, remet à l’ordre du jour les questionnements relatifs à la relation entre cultures et langues. Un tel rapprochement se fait à la faveur de la recherche sur la traduction, notamment automatique, au traitement automatique des langues, aux analyses de linguistique contrastive, aux travaux sur la phraséologie et le figement linguistique, à ceux qui s’intéressent aux dimensions pragmatiques et à la fixation du culturel dans les langues (cf. par exemple Xavier Blanco et Salah Mejri, Les pragmatèmes, Classiques Garnier, 2018), etc.
Cette rencontre sera l’occasion de s’interroger sur la dimension culturelle dans les langues et la part du linguistique dans l’élaboration des différentes cultures et leur préservation, notamment par le biais de l’écriture.
Les axes majeurs qui seront retenus seront les suivants :
- expressions sémiotiques et langues du monde ;
- cultures, langues et créations culturelles : patrimoine immatériel, littérature, néologie, parémies (proverbes, dictons, etc.) ;
- objets linguistiques culturels : les dictionnaires, les écritures, les calligraphies, les simulations informatiques du langage, etc.
- acquisition et apprentissage des langues et des cultures dans un monde de plus en plus global, marqué par le développement de la production et des échanges numériques ;
- préservation du patrimoine linguistique menacé d’extinction ;
- langage et urbanisation : les croisements linguistiques, la fonction identitaire du langage, les droits linguistiques ;
- compétences linguistiques et usages multiples des outils de communication comme l’internet.
Nous n’avons là que quelques pistes de réflexion. Tout autre participation en rapport avec la thématique générale ne peut être qu’un enrichissement.